Au Dictionnaire des idées reçues de Flaubert, on devrait ajouter : «Antiaméricanisme : toujours primaire». Et de fait, pour être antiaméricain, il faudrait savoir ce qu'est l'Amérique, où elle se trouve. On a scrupule à détester tous les Américains quand nos amis le sont, ou qu'on se gave de Vollmann, de Lynch et de Strokes. Etre antiaméricain, c'est donc forcément être primaire. Mais cette remarque de bon sens sert souvent de bélier à un argument moins recommandable, qui est, qu'au motif de ne pas généraliser, on devrait se garder de critiquer en rien l'idéologie libérale (capitaliste est un gros mot, on le sait). Or, comme le fait remarquer une jeune fille noire dans ce documentaire en profondeur, «l'Amérique est indissociable de sa rhétorique». Ce n'est pas tout à fait comme si elle n'existait pas, puisqu'elle s'est blindée de toutes parts de discours identitaires, dont le fameux «L'Amérique, aimez-la ou quittez-la», slogan adapté en France par Sarkozy. Etant donné d'ailleurs que toute la com' de ce dernier est piquée là-bas (le serment d'allégeance nationaliste en classe, et cette terrible sophistique totalitaire qui prête des sentiments antinationaux à tous ceux qui critiquent les républicains), le visionnage de Kings of the World devient urgent dans nos parages.
Si l'affiche est un peu pétasse et le titre un peu pétard (on a l'air d'accuser les Américains d'avoir chopé le melon), le film lui-même vaut mieux que cela. A l'automne 2004,