Le vent n'est pas la première chose que l'on remarque en effleurant le sol de la Thaïlande. Le gris délavé de la lumière, l'assommante humidité de l'air, oui mais pas le vent. Il souffle où il veut dans Syndromes and a Century, chaque plan en extérieur balayé par un tremblement : sur les grands arbres qui encerclent le petit hôpital de campagne, sous la tente bleue du chapiteau où un jeune dentiste se transforme le samedi soir en crooner pop thaï, le long de la rivière au bord de laquelle discute une femme médecin amoureuse, sur les bords du sari safran du moine bouddhiste qui autrefois officiait comme DJ. Ce vent ressemble aux histoires qu'il colporte : il est d'une essence surnaturelle. Il n'est chargé d'aucune actualité, n'appartient à aucun bulletin météorologique. Il est hanté, transporte des restes de mémoire intime et collective. Quand il se met à souffler, on entend une sorte de mélodie lointaine, des sons en suspension, un écho. Apichatpong Weerasethakul vient de faire tomber sa caméra dans une poche du temps.
Fantômes. Lui-même avoue que ce film est une ode à la mémoire, qu'il l'a fait pour voir dans quelles mesures les souvenirs d'une époque que nous n'avons pas connue, celle de nos parents par exemple (les siens étaient médecins dans l'hôpital d'une petite ville du nord-est de la Thaïlande), subsistent, se réincarnent en nous : ce que nous croyons être, nos actes ne sont que les fantômes des agissements de nos aînés. Le bouddhisme sentimental de Weeraseth