Ce film dure un peu moins de deux heures. Il aurait pu durer mille ans qu'il ne nous aurait pas lassé, tant son temps réel n'a rien à voir avec sa durée romanesque, sa persistance poétique, sa façon de nous hanter depuis le festival de Cannes qui a eu le bon goût de ne pas le rater en accrochant à son revers une palme d'or.
Servitude. Tout y est une question de tempo, c'est-à-dire, la définition du dictionnaire est formelle : la notation d'un mouvement qui n'est pas défini d'une manière absolue. Mouvement et indéfinition. En effet. C'est l'histoire d'une jeune fille, Otilia (Anamaria Marinca, prix d'interprétation à vie car, justement, elle n'interprète pas) qui n'arrête pas de marcher, souvent filmé de dos, comme dans un inédit de Gus Van Sant, toujours sur la brèche d'un soucis qui l'excède, comme la Rosetta des frères Dardenne, dont elle est la ciné-cousine. Elle marche, ne tient pas en place, pour s'épuiser, faire suer les lourdeurs de sa vie d'étudiante dans la Roumanie de Ceausescu sur le point de chuter. Le film sent la poussière de ce temps, le mauvais goût des mauvaises choses, il pue la merde des gens qui mangent mal. Mais cette puissance d'évocation (toute une époque, un autre monde) ne tient pas à un déchaînement de reconstitution à l'identique, mais à des bricoles autrement intrigantes : les combines pour acheter un paquet de cigarettes (des Kent), la boîte de Tic-Tac (orange) guignée comme du caviar. C'était le temps des pleurs où comme dans n'importe qu