Après la sortie du film, Raymond Chandler, auteur du scénario du Dahlia Bleu, écrit une lettre dans laquelle il se plaint d'abord des dialogues que le réalisateur, George Marshall, n'a cessé d'ajouter aux siens. Puis il enchaîne sur «la mise en scène, si mauvaise que le monteur, qui est compétent, n'a pas réussi à le dissimuler.» Chandler exagère un peu. Le début du film exhale avec justesse le désenchantement qui submerge les Etats-Unis dans l'immédiat après-guerre. Marshall montre bien comment les trois anciens combattants, qui débarquent à Los Angeles, comprennent que leur nouvelle vie ne va pas être toute rose.
Assez vite pourtant, le film se met à manquer de tonus et de noirceur. Marshall aurait-il, comme l'en accusent Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier (dans 50 Ans de cinéma américain), allégé le script plus que de raison ? Sans doute. Il ne faut pourtant pas prendre George Marshall pour un maladroit. Sept ans auparavant, il a quand même dirigé Femme ou démon (Destry Rides Again, 1939), avec Marlene Dietrich et James Stewart, un superbe western un tantinet parodique et un poil noir. Ce Dahlia bleu comporte lui-même quelques moments remarquables. La collision de Johnny Morrison, alias Alan Ladd, et de sa femme, Helen (1), est d'une dureté bien sentie. Et la rencontre du même Morrisson-Ladd avec Veronika Lake (2) est plutôt glamour. Le réalisateur a surtout bien su employer la ribambelle de seconds couteaux hollywoodiens qu'il