Une amusante rumeur rapporte qu'avec les Amours d'Astrée et de Céladon, Eric Rohmer aurait réalisé son film le plus queer. C'est la dernière séquence qui explique ce blasphème bienveillant : Céladon y découvre, avec pertes et profits, la délicate condition de travesti, matière à quiproquos et effets de mise en scène où le cinéaste puise, manifestement, une intense jubilation... Mais tous les futurs spectateurs du film, que l'on souhaite immensément nombreux, nous sauront gré de ne pas en dévoiler davantage...
Cette tangente subite de la fiction n'est de toute façon pas le choix de Rohmer, mais celui d'Honoré d'Urfé (1567-1625), dont il a adapté l'incroyable texte l'Astrée, ou la plus folle histoire d'amour de la littérature baroque. Elle nous raconte comment, à l'époque gauloise, la bergère Astrée et le pâtre Céladon verront leur pur amour menacé par un malentendu qui manque d'être tragique, la première s'étant persuadée de la mort par noyade du second, qui se cache en réalité au fond d'une forêt pour respecter un absurde serment exigé, croit-il, par sa dulcinée.
Anachronismes. C'est au délicat et trop méconnu cinéaste Pierre Zucca que Rohmer a emprunté l'idée d'une telle adaptation et c'est à lui qu'il a souhaité, en conséquence, dédier ce film en tous points exceptionnel. Pour une bonne part, la grande beauté à la fois merveilleuse et cocasse du projet tient aux surprenantes concrétions spatio-temporelles qui l'habitent. Ecrit au début du XVIIe siècle,