Delphine Denis est professeure à l'université Paris-Sorbonne. Elle dirige l'équipe de chercheurs qui travaille à une édition critique intégrale du roman-fleuve l'Astrée d'Honoré d'Urfé (plus de 5 000 pages !) à la fois en édition papier et sur le Net dans un site aux multiples arborescences qui vient d'être lancé (1). Elle a vu le film et donne quelques éléments qui permettent d'appréhender les codes de la pastorale, devenus aujourd'hui à peu près aussi exotique que le théâtre Nô japonais. Cette année, divers colloques et publications auront lieu pour fêter le quadri-centenaire de la parution de la première partie du livre.
Comment l'Astrée a-t-il été perçu au moment de l'édition de sa première partie en 1607 ?
D'emblée, le texte est déroutant, y compris pour un lecteur de l'époque. Il ne ressemble pas aux pastorales qui l'ont précédé, notamment parce qu'on y voit des chevaliers, représentants du monde martial, qui se mêlent aux bergers et aux nymphes, ce qui est tout à fait «anormal» dans le cadre générique de la pastorale telle qu'elle se pratique en Italie et en Espagne. Quand la quatrième partie sort à titre posthume en 1627, la langue de l'Astrée ne se comprend quasiment plus, la graphie, les règles d'accords et parfois le lexique ont quasiment disparu. Cette langue est donc perçue comme difficile, y compris par le lecteur cultivé et averti. La part assumée de la convention est un élément de la poétique du texte. D'Urfé explique dès l'introduction que