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Libération
Critique

En étudiant les barbares

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Un psy dans une multinationale découvre les effets déshumanisants de l'ultralibéralisme. Un film polémique de Nicolas Klotz.
publié le 12 septembre 2007 à 9h35

Mathieu Amalric regarde. Il est immobile, collé au dossier de son fauteuil, mais ses yeux scrutent, fouillent, s'agitent. Il y a tant de signes à déchiffrer qu'il ne sait pas où poser son regard. Sur son directeur, en train de lui livrer des secrets sur le PDG de l'entreprise ? Sur le décor froid et conceptuel du bureau ? Sur lui-même, effrayé de se retrouver en voyeur des rivalités entre grands fauves du capitalisme ? Ce mouvement de regard est admirable : Amalric écoute avec les yeux. L'essentiel y est dit, à savoir la double nature du salarié moderne, animal écrasé par la loi du profit et roseau qui s'obstine à penser, à plier sans rompre.

La Question humaine est un film très ambitieux, ce qui n'est pas la moindre de ses qualités. Après Paria, tableau parisien de l'existence de quelques errants sans domicile fixe, puis la Blessure, chronique nue des premiers jours d'une sans-papiers africaine à Paris, Nicolas Klotz poursuit sa quête têtue et s'impose comme l'un des cinéastes les plus courageux et passionnant du moment : il veut filmer l'infilmé, capter ce qui n'a pas d'existence visuelle stabilisée. Avec le monde de l'entreprise ultralibérale, le voilà qui passe des zones de relégations à l'hypercentre de la société.

Obsession. Directement décalqué du bref récit de François Emmanuel (1), le film suit quelques semaines de la vie de Simon, psychologue au département des ressources humaines de la filiale française d'une multinationale allemande. Karl Rose