On sait, depuis minimum Deleuze, que l'on est très peuplé à l'intérieur de nous-mêmes. On sait aussi qu'il est rare que tous ces autres qui grouillent en nous s'emparent de la même fonction, creusent le même sillon. Le corps et le cerveau de Naomi Kawase contiennent deux cinéastes. Deux cinéastes totalement opposés qui s'obstinent pourtant à vouloir parler de la même chose. De là est née une dichotomie : il est devenu impossible d'aimer les deux Kawase à la fois alors qu'elles ne font jamais que poser les mêmes questions.
Folie. Il y a la Naomi Kawase des essais qui signe des faux documentaires, tel l'étrange Dans le silence du monde ou plus récemment Naissance/Mère, où elle se met en scène avec une sorte de frénésie mythomane, si bien qu'on ne sait jamais, à terme, si ce qu'elle dit raconter de sa vie a jamais existé. Cette Kawase-là est passionnante, on se perd dans ses méandres, on entre, tout pétoche, dans ses autofictions bidonnées comme dans une zone de folie furieuse. Puis il y a la Naomi Kawase des longs métrages, celle qui montait en kimono sur le podium à Cannes en 1997 recevoir sagement la Caméra d'or pour un film sage et nostalgique, Moe No Suzaku. C'est celle-là même qui vient de signer la Forêt de Mogari. C'est une cinéaste qui contrôle ses affects, les dirige vers un public en demande d'exotisme nippon. Une cinéaste des paysages, du temps, de la beauté. presque jusqu'au cliché.
Parfois les deux cinéastes se rencontrent, soit su