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Libération
Critique

Pierre Zucca à part

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publié le 7 novembre 2007 à 1h20

«Que la chute des fontaines sous les platanes est apaisante. Que cette ville est exquise dans son glissement», pense Roberte. L'eau ruisselle de la fontaine du Palais-Royal. Il fait doux. Roberte, assise de dos, dehors, à une petite table de café, s'examine dans le miroir d'un poudrier. Elle n'ignore sûrement pas la préciosité des adjectifs «exquise» et «apaisante», ni combien ils redondent. C'est à elle-même qu'elle parle. Elle est seule, elle caresse l'idée du «glissement», du glissement de la ville.

Là, dans le soleil, hiératique sous son chapeau de 1958, en jupe étroite sur talons hauts, Roberte, la perverse corsetée de philosophie, a aussi dans la tête la façon dont un improbable amant l'a attachée par les poignets à des barres parallèles et lui a ôté ses gants noirs avant de lui lécher la paume de la main jusqu'à l'extase.

Roberte, deuxième film de Pierre Zucca, devint dès sa sortie, en 1978, une sorte de film culte. L'épouse de l'écrivain Pierre Klossowski, Denise Morin-Sinclaire, jouait en personne le rôle de l'ancienne résistante devenue «bourgeoise à la psyché perturbée», s'allongeant de dos sur le corps d'un Frédéric Mitterrand en hôte émoustillé, tandis que Klossowski lui-même rôdait, vieux fétichiste voyeur mais non salace : maître d'une maison où le moindre dîner devenait fulgurant cérémonial alangui sous des lambris jaunes.

Poète. Rien ne s'est dissipé de l'aura sulfureuse de Klossowski, frère du peintre Balthus, avec qui, en 1970, Pierre Zuc