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Libération
Critique

Piccoli, le sandwich et la mort

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publié le 21 novembre 2007 à 1h37

La scène, vendredi soir, avait l'air de sortir tout droit d'Une étrange affaire (le seul très bon Granier-Deferre) : pris dans des bouchons, Michel Piccoli fait appeler l'attachée de presse pour qu'on lui commande un jambon-beurre. Quand il finit par faire son entrée, en trombe, engoncé dans un grand manteau bleu, ce qui n'était alors qu'un simple café parisien à dix minutes de la fermeture prit soudain les lumières d'un théâtre baroque. Avec la patronne derrière le zinc pour quatrième mur, qui essuie ses verres, un jambon-beurre qui doute de ses cornichons et un acteur populaire et secret, dont transpire en permanence le goût du jeu et de la mise en scène : on est à deux doigts de cet exotisme parisien, entre cliché et survivance, qui est précisément le sujet sous-jacent des Toits de Paris. Soit le premier film français de Hiner Saleem, cinéaste kurde (KilomètreZéro) croquant, avec l'acidité du désespoir, quelques traits français - comme avait pu le faire avant lui le Jacques Tati géorgien Otar Iosseliani. Pour Hiner Saleem, «garçon d'une inquiétude formidable», Michel Piccoli brave l'interdit, défie toute superstition : il joue une lente agonie. Une agonie simple, même pas un drame, juste le déclin au jour le jour d'un vieil homme perdant ses forces tout au long d'un été caniculaire. Un homme qui s'aperçoit à chaque rencontre que son fils de 35 ans est plus vieux que lui, encore entouré d'amis à moitié cloches, de vielles maîtresses et d'