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Libération
Critique

Les damnés de notre ère

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publié le 28 novembre 2007 à 1h43

La durée, c'est du temps dans l'espace. Au cinéma, c'est une évidence visible. Ainsi de la séquence d'ouverture de Paysages manufacturés. Un plan de sept minutes et quarante secondes. La caméra a été placée sur des rails. C'est un travelling, un voyage. Domestiqué par la célérité des images dominantes où la vitesse est gage d'excellence voire de vérité, on est de prime abord déconcertés, ou pire, impatients. Mais très vite cette «lenteur» s'impose comme nécessaire. Sept minutes et quarante secondes, c'est un minimum pour arpenter le hall de cette usine chinoise où des centaines d'ouvriers et d'ouvrières s'affairent. Il se passe beaucoup de choses dans ce plan. Ce qu'on y voit : la mécanisation des ouvriers, leur prudence inquiète face à la caméra, a priori de surveillance. Ce qu'on n'y voit pas : la discipline intériorisée, la soumission et, comme une information physique sidérante, ce moment où l'on réalise qu'ainsi parcouru à la vitesse d'un pas d'homme ce hall gigantesque doit mesurer plus de 500 mètres. Une voix off vient interrompre cette scrutation déambulatoire, celle du photographe Edward Burtynsky qui s'est fait une spécialité de fixer les panoramas industriels du monde entier. Il parle de la nature et de son exploitation, de respect et d'environnement.

Ambiguïté. Nous voilà forcément de son avis, mais comme distrait. On s'installait pour une sorte de méditation contemplative sur un monde industriel déréglé, et voilà que le documentaire bifurque sur un portrai