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Libération
Critique

Les faveurs de la «Nuit»

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publié le 28 novembre 2007 à 1h43

C'est une bonne chose que les distributeurs français de We Own the Night aient traduit scrupuleusement le titre du troisième film de James Gray : affirmer que la nuit nous appartient est un outrage, une mise en danger d'une prétention folle, qui ressemble exactement au film et au mental de celui qui l'a dirigé. Quelle «nuit» ? Celle des discos new-yorkaises, celle des ténèbres humaines, des antichambres du business tenues par les mafias toujours plus ou moins russes par les temps qui courent ou celle des silences, des pactes, des liens sanguins ? Quel «nous» ? Combien de personnes ? Forment-ils un gang, un corps, une unité (de police ?) ou s'agit-il de ce Nous que croient former deux amants s'esquivant dans le noir. Appartenir ? La vaste blague : la nuit n'appartient à personne. On aurait d'ailleurs tort de croire que les hommes envient le pouvoir, le bonheur affiché, tout ce qui appartient au grand jour. Tous veulent posséder la nuit : l'ivresse, le danger, la sensualité, l'oubli, la peur, le vertige, la présomption de tout avoir à la fois et le risque plaisant de tout perdre.

Faire de la nuit sa propre partition, c'est ce que James Gray a toujours recherché. A 38 ans, ce type a déjà connu ce qu'un Coppola ou un Welles ont essuyé en leur temps : génie désigné à même pas 25 ans pour son surgissement sur la scène avec un premier film en guise de territoire conquis, Little Odessa. Puis cassé comme une merde en 2000, par Harvey Weinstein, le Miramax mogul (qui déte