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Libération
Critique

Les variations Dylan

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publié le 5 décembre 2007 à 1h53

A JoeyStarr, qui croisait jeudi soir Todd Haynes et Charlotte Gainsbourg sur le plateau du Grand Journal, Michel Denisot demanda, histoire de poser une question, s'il connaissait Bob Dylan. Ce à quoi le rappeur, comme toujours impeccable et percutant, lui rétorqua qu'OK, il était dans le rap, mais qu'il était «un terrien». Repartie sublime, l'air de rien, disant et la réalité Dylan et son mystère : la globalité des terriens connaît Bob Dylan, sa voix nasillarde (une opération des végétations ayant merdé), ses mélodies, ses mots codés, sa drôle de dégaine. Mais rien n'assure qu'à ce stade de mystification Dylan soit encore un terrien lui-même.

Toute sa mythologie tient en ce que Dylan a toujours entretenu avec sa propre légende un rapport extraterrestre : «Je suis Bob Dylan quand j'ai besoin d'être Bob Dylan.» La réplique est de 1965, soit à l'époque où tout le monde avait besoin qu'il soit Bob Dylan - les femmes voulaient qu'il soit Dylan, les Blacks voulaient qu'il soit Dylan, les pacifistes voulaient qu'il soit Dylan, les snobs de la Factory voulaient qu'il soit Dylan -, et, comme toujours, il s'est débrouillé assez vite pour les décevoir, les uns après les autres, avant de disparaître (pour mieux revenir, en pire). Dylan a toujours voulu incarner tout à la fois Judas (trahison) et Jésus (mystification). Quarante ans plus tard, alors que tout le monde a fini par arrêter de se chercher un nouveau Dylan (c'est plus raisonnable) sans rien attendre de Dylan