Parce qu'on ne peut pas rester un éternel jeune premier toute sa carrière, sauf à risquer de disparaître sans perte ni fracas comme tant d'autres avant lui, Jalil Lespert, 31 ans, a décidé qu'il ne laisserait pas la succession des rôles qu'on lui offre dicter sa route ou lui imposer une vitesse de croisière. Il s'empare du volant, appuie sur le champignon, fonce dans le tas.
On l'a dit trop souvent gentil, bon garçon, bonne tête de gendre sexy, moderne. Dans 24 Mesures, son premier film en tant que réalisateur, il s'absente de l'écran, déchire le beau masque et ose le forcing, la note haut perchée et stridente de la fiction sur tendue par des personnages déboussolés. Une pute à la dérive, un chauffeur de taxi mystique qui pète un câble, une lesbienne en recherche de sensations fortes, un musicien de jazz au coeur débordant d'amertume. Film sombre, gonflé, traversé par la colère contre tout ce qui empêche de vivre : traumas d'enfance, parents cinglés, boulot merdique.
Au lendemain de l'avant-première parisienne, Jalil Lespert apparaît nimbé d'un certain mystère rentré : «C'est un film craché sur la toile, sans calcul, sans peur. Je l'ai fait contre cette idée qui voudrait qu'on naisse, vive et meurt seul. Le récit est tissé de rencontres éphémères, nocturnes, et j'aime penser que ce ne sont pas forcément nos proches qui nous aident à vivre mais souvent des inconnus qu'on a vus très peu de temps et qui nous remplissent.»
On lui dit qu'on est surpris par la virul