On s'installe dans la cuisine de Suzanne, à la table du petit Simon et de sa baby-sitter Song : le temps se déploie. Passent la femme de ménage, la prof de piano et même l'accordeur aveugle. La caméra balaie le champ latéralement, très lentement, comme on dégusterait un intérieur hollandais. On est bien.
Cocon. Parfois, des nouvelles viennent de l'extérieur, par le téléphone, ou bien un locataire fou et comique (Hippolyte Girardot) fait irruption, tel le refoulé de ce cocon bourgeois.
Commande du Musée d'Orsay, film français, le Voyage du ballon rouge se porte comme un charme, c'est-à-dire comme un sort jeté au spectateur, une magie performative où l'acte et sa représentation ne sont qu'un. Ce genre d'enchantement est typique de Hou Hsiao-hsien, mais le toucher dutemps est peut-être plus sensible ici que dans ses dernières oeuvres, qui étaient plus esthétisantes (Millenium Mambo, Three Times).On a regagné la belle simplicité des débuts.
HHH a souvent déclaré qu'il aimait intégrer les changements (du paysage, de la météo, du jeu des acteurs) au film, que cette relation en construction était la substance même de son cinéma. C'est ici très évident, puisqu'il n'y a à proprement parler pas d'intrigue. On a Juliette Binoche (Suzanne) en hystéro peroxydée hilarante, ménagère bobo d'un côté et actrice de doublage de l'autre, qui fait toutes les voix dans un spectacle de marionnettes chinois. Son fils, Simon, qui attend des nouvelles de Louise, sa grande soeur exilée à