Menu
Libération
Critique

«Welcome Europa» : errance et passes

Article réservé aux abonnés
publié le 30 janvier 2008 à 2h07

«Des pédés, il y en a partout, c'est comme des moutons.» Que l'Europe ne soit pas très accueillante pour les immigrés, on s'en doutait. Qu'ils soient contraints de tapiner pour manger, dormir et s'habiller est plus surprenant. Pendant un an, Bruno Ulmer a suivi dix hommes, marocains, kurdes, roumains, dans leur errance à travers le Vieux Continent. La caméra les filme au plus près, serrant les nuques, les profils, le grain de la peau, un tatouage sur une épaule, une cicatrice au ventre, un pied soigneusement lavé sous la douche. «J'aime l'idée d'une caméra qui caresse, calme, redonne confiance, respect», dit le réalisateur. Contrastant avec cette attention aux corps, le filmage est volontairement clinquant. Alternent des scènes dans des couleurs saturées montrant le quotidien de ces sans-papiers et des interviews des mêmes en plan fixe et en noir et blanc surexposé.

Tous ces hommes sont arrivés portés par un rêve. «Depuis l'âge de 10 ans, ma raison d'être, c'est l'Europe, confie Allal, Marocain de 16 ans. J'ai eu le numéro d'un passeur. J'ai payé 1 000 euros. Maintenant, je suis en Espagne.» Mehmet, Kurde de Turquie, en rêvait aussi : «Pour moi, l'Europe commençait en Italie. Je l'imaginais comme ça. Voilà ce que j'ai vu : un pays archéologique très beau. Et Rome ! J'ai beaucoup aimé.» Puis, tous deux ont déchanté. Pas de papiers, pas de travail, pas de toit ni de quoi manger et le tapin pour seul moyen de survie. Bruno Ulmer a filmé ces hommes-là