Tariq Teguia, né en 1966, diplômé de philo à Paris (théorie esthétique, doctorat sur l'oeuvre de Robert Frank), photographe, vidéaste, défend avec ferveur le programme libertaire de son premier long métrage.
Rome plutôt que vous, d'où vient ce titre ?
C'est une citation d'un chant de supporteurs d'un club de foot d'Alger, l'Usma. Ils ont l'habitude de mettre en chanson le désarroi, les peines de la population. Le «vous», c'est la société algérienne. «Rome», c'est partout sauf là où on est.
Vous proposez une vision d'Alger très éloignée de l'imagerie de carte postale.
Il y a un point de vue stéréotypé sur la ville, les belles courbes d'une baie, vue d'en haut ou d'en bas, une perspective qui est celle des visiteurs qui arrivent par bateau ou en avion. J'ai voulu répondre à cette imagerie en filmant ce que je voyais tous les jours. Alger oui, mais vu de dos. Ce qui constitue aujourd'hui l'étrangeté la plus totale pour l'Algérois, c'est la casbah qui s'effondre et la ville européenne. La réalité d'Alger, c'est son extension, une réalité qui vaut pour l'Algérie tout entière. Un paysage de chantiers perpétuels et inachevés avec ses immeubles hérissés de ferrailles, construits sans plan d'urbanisme, un paysage de ruines récentes. On n'est pas dans une ville en guerre avec une ligne de front, mais on sent dans ces zones de béton, de villas déglinguées et de routes pas finies les conflits sourds d'une société en état d'attente ou d'atermoiement perpétuel.
Ce type de quar