La situation du cinéma chinois moderne (et singulièrement celle de Jia Zhangke, à qui semble échoir le rôle ingrat de l'incarner) est à la fois exaltante et intenable. Pour qui veut regarder les choses en face avec une caméra et ne souhaite faire ni publicité ni propagande, la Chine est un prodigieux mais périlleux défi. Ce que filme Jia Zhangke depuis toujours, en apparence, c'est la Chine. Celle du barrage des Trois-Gorges (Still Life), des parcs d'attractions (The World), de l'industrie textile (Useless), donnant à chaque fois ce sentiment puissant d'enregistrer, pour des siècles et avec la plus sobre dignité, l'effrayante transformation dans laquelle ce pays est engagé, sa route vertigineuse et pas que triomphale vers son trône de première puissance mondiale.
Majesté. En réalité, derrière le remarquable travail de consignation documentaire, derrière le spectacle des «réalisations» dont son pays se vante et qui le laissent manifestement sceptique, ce que Jia filme profondément, ce sont les Chinois. Le peuple est son paysage obsessif, permanent et infini. C'est donc le motif prioritaire de 24 City, évocation de la monumentale usine dite «420» de Chengdu, l'une plus secrètes fabriques d'armes de l'Etat chinois, à travers huit personnages chevauchant trois générations, qui viennent raconter frontalement leur expérience d'ouvriers.
Il y aurait énormément de signes à recenser pour redonner son vrai contexte au travail de ce cinéaste exceptionnel, et d