Les frères Dardenne font partie des quelques rares cinéastes qui ont le courage de ne pas mêler représentation sociale et bons sentiments. Au fond, ils sont partis d'une réflexion simple : les situations d'adversités économiques, le combat quotidien pour la survie, ne peuvent en tout état de cause engendrer un cinéma simpliste ni a fortiori des personnages taillés d'une pièce. On peut même dire qu'ils ont essayé à chaque nouveau film de construire - et pour ça il faut du courage, du cran - une morale du récit qui s'appuie précisément sur l'immoralisme des comportements représentés.
Jeu complexe. Avec le Silence de Lorna, ils ont une manière bien à eux d'aborder l'immigration et la recherche de papiers d'identité, une manière risquée qui en un sens ne prend pas de gants. Une certaine bienséance idéologique (humaniste, de gauche, pour aller vite) suppose que ce genre d'histoire soit racontée selon l'axe victime/système, les faibles (qui réclament la protection d'une nouvelle nationalité) et les forts (l'Etat qui refuse cette protection, les flics qui traquent et expulsent). D'entrée de jeu, cet axe est démantibulé et le film invente sa propre jurisprudence. Ni à charge ni à décharge, il décrit le jeu complexe, mouvant, des rapports de force entre les individus qui se cherchent un territoire, un lieu où pouvoir à la fois se poser et prospérer. Revendication légitime mais qui va les pousser au-delà de ce qui est admissible.
Injustice. Ainsi, Lorna (Arta Dobroshi, lire page