Qu'il soit fait mention de Béla Tarr dans les remerciements au générique de Delta, troisième film du Hongrois Kornél Mundruczó, ne surprendra personne. Par son maniérisme immédiat, sa description âpre de la fange, Mundruczó est le plus direct fils spirituel de Tarr. A 33 ans, ce jeune prodige sorti de l'Institut du film hongrois a reçu le léopard d'argent en 2002 à Locarno, dès son premier long métrage, Pleasant Days, puis a été sélectionné à Cannes (Un certain regard) en 2005 avec Johanna, qui était rien moins qu'un opéra filmé. Le voilà en compétition, signe que rien ne saurait l'arrêter.
Prétention. Le scénario de Delta a été cosigné avec l'essayiste Yvette Biro, sommité universitaire, professeure émérite à l'université de New York, auteure entre autres d'un essai remarqué sur le temps au cinéma. Sans le connaître, on imagine très bien Mundruczó en éternel premier de la classe, se différenciant du gros du cinéma de l'Est en affichant ostensiblement des références snobs, envisageant le cinéma comme la synthèse de tous les arts. Que ses plans citent une photo de Nan Goldin ou trente cinq ans de land art, qu'il prenne pour incarner le personnage principal de Delta un beau ténébreux reconnu, dans la vie, le plus virtuose des jeunes violonistes hongrois, tout cela participe d'un profil de cinéaste visant la grande oeuvre sinon rien.
Ce type d'ambition fait toujours un peu peur, on repense au mot de Jim Jarmusch, samedi soir sur la scène de la Q