Il rode depuis quelques jours sur la Croisette un type bizarre, à visage rond, deux grands globes en guise d’yeux, qui partout où il passe se comporte en infiltré. Il regarde la petite agitation absurde qui nous emporte tous, fixe des gens, parfois leur tourne autour. Ce type, qui rendrait parano une plante, on ne l’a pas reconnu tout de suite : on a même cru à un incrusteur. Il a fallu, pour avoir la certitude qu’il s’agissait bien de Miguel Gomes, croiser le regard du film le plus étrange de la Quinzaine radicale : Ce cher mois d’août. Aucun doute possible, tant ils se ressemblent : imprévisibles. Ce cher mois d’août se pose sur vous comme aucun autre film jusqu’ici. Les aveugles, dont on nous parle tant ici depuis mercredi dernier, seraient pris, lorsqu’ils recouvrent la vue, d’une sensation de panique : les choses sont là, mais par définition elles restent méconnaissables. La caméra de Gomes est le transmetteur exact de cette sensation. On voit, on ne saurait dire. On est éblouis.
Perturbant. Prenez une des premières images du film : un bal d'été. Le groupe, à la fois miteux et touchant, une piste de danse quasi vide. Des choses que l'on a tous connues. Mais voilà, la caméra est posée là où elle ne le devrait pas, sur l'extrême angle gauche. L'éclairage est relativement faible et le son lointain. En off, une voix récite un poème adressé à la Mère : un poème d'avant la vie. Si on reprenait toutes ces choses, si on les posait sur une table, on y verrait mieux,