Après son remarquable livre théorique sur le Cinéma américain des années 70, Jean-Baptiste Thoret, rédacteur en chef de la revue Panic, jette son dévolu sur le maître du giallo, Dario Argento, pour une monographie sous-titrée Magicien de la peur (1).
Constatant la position problématique de l'auteur de Suspiria,Ténèbres et autre Trauma peinturluré au sein d'une cinéphilie italienne qui a pris l'habitude commode de l'ignorer, Thoret entend donner à Argento la place prédominante qui lui revient dans le droit fil d'une modernité qu'à travers les sous-genres du fantastique, du gore et du porno soft, il a contribué à construire et dynamiter.
Le cinéma d'Argento est hanté par la pathologie, la décomposition et le sang. Il repose aussi sur une logique de l'affect, plus que de la réflexion. L'impact de ses images touche le spectateur par «empathie sensorielle», à travers des stimuli optiques, sonores ou plastiques particulièrement foudroyants, «la forme comme puissance éclatante et pensante, la forme non coupable». La prolifération des motifs saisissants relève d'une esthétique baroque que Thoret analyse avec brio et énergie en sollicitant abondamment Gilles Deleuze. C'est la figure du pli qui opère partout la jonction entre l'image et son fantôme : «A l'intérieur du plan, il subsiste toujours une nouvelle strate ou une texture à explorer, [.] un monde en spirale peuplé de double fonds et de personnages doubles, d'indiv