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Libération
Critique

L.A. sans pitié

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publié le 9 juillet 2008 à 4h14

Si le Bardamu du Voyage au bout de la nuit avait eu une fille, celle-ci s'appellerait Judith. Judith Mc Guire. Un banal divorce l'aurait laissée sur le bas-côté de la route, et sa dernière chance serait L.A. - cité des anges, palmeraie pourrie, belle comme une verrue ensoleillée. Los Angeles ou l'Amérique à son summum : fascinante et malade. Elle regarderait ce paysage-là et se mettrait à dialoguer avec sa conscience. Et l'Amérique en prendrait pour son grade. Car elle, la divorcée à qui les amies d'hier tournent le dos de peur d'être contaminées par la fièvre de la séparation, se payerait à son tour la société qui la rejette, la livrerait tout entière à sa vision subjective et brisée. Voici la photo sans retouche des USA à la fin des années 50, quand l'Amérique délivrait au monde entier un modèle prêt-à-porter du bonheur mais à l'intérieur d'elle-même crevait de ne pas imploser. Judith Mc Guire, derrière d'immenses lunettes noires d'abeille urbaine, coulerait son regard dans chaque haut lieu de la ville, chaque cloaque interlope : baraques à strip-tease, salle de boxe où se paye 30 dollars un combat truqué, église païenne où oeuvrent les faith healers, ces guérisseurs mystiques abreuvant de paroles factices leurs oies pâmées, caressant leurs fronts désoeuvrés. Tout au long de ce trip angeleno, cet interminable travelling où le spectacle de l'absurde raccorde avec celui de la violence usuelle, elle verrait ces compatriotes («ces morts en sursis»), et leu