Let's Get Lost a 20 ans. Son anniversaire est aussi celui de la mort de son héros, le trompettiste Chet Baker. «Tombé», en mai 1988, de la fenêtre de son hôtel d'Amsterdam, situé à quelques enjambées du Zeedijk, allée du quartier rouge connue pour être un supermarché à ciel ouvert de la poudre. Légendaire jusqu'au bout, Baker sera aussi mort un vendredi 13. Bruce Weber a appris la nouvelle en salle de montage. Il était en train d'éditer les 90 heures de rushs consacrées à cet homme qu'on disait fini mais que lui n'avait cessé de mettre amoureusement en scène depuis trois ans.
La fixette de Weber sur Chet remontait au début des années 80. Lui qui érotisait chaque campagne Calvin Klein, à coups de photos noir et blanc sentant le sexe et le linge, était tombé en arrêt sur un exemplaire vinyl d'un de ces albums de Chet de 1955, dont la cover était systématiquement due au photographe William Claxton.
Gravure de mode. Claxton avait découvert le jeune Chet vers 1953, alors même qu'il s'essayait à faire ses premières photos. Chet, qui était non seulement une bombe mais dégageait une aura photogénique tout à fait extraterrestre, sera magnifié par Claxton en tee-shirt blanc, dans la quintessence du cool. Sur chacun de ses clichés, il se dégage une sorte de bonheur qui est la promesse même de Chet Baker envoyée à l'Amérique des fifties : un jazzman blanc, beau comme un dieu, qui avait servi sous les drapeaux, un jeune mec sain et étincelant. Baker fut vendu comme un