Professeur de sociologie à l'université Frédéric-II de Naples, Amato Lamberti est directeur de l'Observatoire sur la Camorra et l'illégalité. Il analyse Gomorra.
Peut-on parler d'une sorte de documentaire-fiction sur le phénomène de la Camorra ?
Partiellement. Le film représente assez bien les situations de marginalité où puise la criminalité organisée napolitaine. Il y a des pans entiers de la ville qui sont livrés à la Camorra et celle-ci est composée d'une centaine de familles qui se font la guerre. Cette fragmentation est une des caractéristiques de la mafia napolitaine. Dès qu'un chef est arrêté, ses subordonnés pensent que leur tour est venu, et c'est ainsi qu'éclatent d'interminables luttes intestines. Et comme toujours, la Camorra recrute parmi les plus jeunes, les plus violents, pour mener les conflits. La représentation du clan des Casalesi, en revanche, ne correspond pas à la réalité. Ils sont montrés comme de banals criminels alors que ce sont des entrepreneurs. C'est le manquement du film. Il nous parle de la criminalité comme si c'était le principal problème alors qu'en réalité, le noeud c'est la corruption.
Voulez-vous dire que Gomorra est anecdotique ?
Le conflit, la violence, la brutalité et l'homicide sont les meilleurs moyens de représenter la criminalité organisée, mais ce n'est qu'un aspect de la réalité. Gomorra reste en surface. Même le récit autour du trafic de déchets toxiques - qui est la part la plus intéressante du film, car on y voit la