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Libération
Critique

«Versailles» à la dérive

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publié le 13 août 2008 à 4h36

Du cinéma, on garde la croyance tenace qu'il n'est jamais aussi important que quand il donne à voir un morceau de territoire. C'est l'infime différence entre un wagon de RER et une caméra : elle investit l'espace avec patience quand le train se contente de le traverser, à toute allure, à l'aveugle. Et depuis la fenêtre du RER qui file en direction de Rambouillet, que peut-on apercevoir de la vie de ceux qui vivent là, depuis bien quatre ans maintenant, sinon la vision hachurée de cinq ou six cahutes de tôle et de bois ? L'été, la végétation les cache, mais pas l'hiver. A quelques mètres de la voie ferrée, leur vie appartient à l'autre monde. Le pire des mondes possibles - à moins que ça ne soit une vie choisie, s'excluant d'elle-même du cadre social.

Conte. Damien, Nina, les héros de Versailles sont les rois et reines d'un bois en marge du château qui fut le symbole encombrant d'un état de droit divin. Deux siècles plus loin, la façon, déçue, amère, dont eux n'attendent plus rien de nous, et surtout pas de la pitié, désigne une impasse : celle de la République. La route, la zone, les centres, les gnons, les odeurs, la fièvre, les enfants placés un peu partout. Pierre Schoeller a décidé, pour son premier long (après quinze ans de scénarios pour Limosin, Gomis, Allouache) d'en faire la matière d'une fiction qui résiste au naturalisme, et qui pourrait même tenir du conte. Un drôle de conte contemporain d'une époque où l'on envoie en centre ceux qui n'ont que la fierté de