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Libération
Critique

Les liens du "Silence"

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publié le 27 août 2008 à 4h45

Quel danger menace les Dardenne ? Que leurs films, ces moments d'intense explication avec le réel, nous apparaissent désormais systématiques. Lorna arrive à un moment délicat, où chacun, cinéphile ou pas, a son idée arrêtée sur ce qu'un film des Dardenne est supposé contenir (cinéma physique, moral et social évoluant dans des eaux épargnées par l'art, et où s'échange notre mauvaise conscience de gauche contre leur bonne vue de cinéastes). Les rumeurs de troisième palme d'or, qui ont circulé en mai à Cannes, auraient été le pire cadeau empoisonné : recouverts de gros mots (chef-d'oeuvre, etc.), leurs films ne demanderaient même plus à être regardés. Or, il y a peu de cinéastes qui demandent à ce point non pas d'être reconnus, mais d'être vus. C'est sans doute ce qui leur permet d'être à la fois dans une surpuissance stylistique absolue (un plan signé des Dardenne se reconnaît en moins de trois secondes par son intensité et sa dynamique) et à ne jamais diriger le film en vue de satisfaire un égo de cinéaste.

Junkie. Ce que les Dardenne visent, c'est le parfait contraire : l'expérience momentanée mais totale de l'autre. L'autre en l'occurrence s'appelle Lorna. Elle a dans les 30 ans, voire un peu moins, elle est jolie. Pleine de force, tenace. Son accent est différent : elle est albanaise. Mais à la première minute du film, accrochant encore sur les mots, si bien qu'on doute avoir bien entendu, elle dit crânement : «Je suis belge.» Son mariage blanc avec Claudy - j