Au travail, les frères Jean-Pierre et Luc Dardenne doivent sûrement se partager les tâches. En entretien aussi : l'un parle beaucoup, l'autre moins. Mais leur lieu commun, c'est toujours de dire «nous», ce qui est déjà un indice : plutôt la communauté que l'individu, plutôt les humains que l'humanité.
Pour la première fois, vous avez tourné avec une caméra en 35 mm.
Nous avions été impressionnés par Still Life du Chinois Jia Zhangke, qui a été tourné avec une petite caméra numérique. Mais nous avons appris qu'on y avait adjoint un objectif spécial pour produire les effets du 35 mm. Donc nous voilà avec une vraie caméra 35 mm. C'est un engin assez lourd et notre cameraman, Benoît Devaux, a suivi des cours de gym pour pouvoir la porter. Ce qui fait que l'image bouge moins que d'habitude. Ce ralentissement nous convenait. Nous souhaitions être moins collés à l'énergie du personnage comme dans Rosetta, et plus dans la scrutation.
Il y a aussi beaucoup de plans, dont certains durent moins d'une minute.
Il doit y avoir 250 plans en tout. C'est le scénario qui veut ça. Plus d'ellipses, plus de personnages, plus d'histoires que dans nos films précédents. Le sentiment que nous voulons faire passer, qui n'a rien à voir avec la mathématique du montage, c'est celui d'une rapidité telle qu'on puisse, nous compris, se sentir par moments complètement distancé, comme pour une course-poursuite derrière les personnages.
Lorna est le personnage principal et, à côté d'elle, que