La première scène du Sel de la mer est un joyau de laconisme ironique, un coup de trique bien appliqué. Soraya, jeune Américaine d'origine palestinienne, se présente pour la première fois à l'aéroport Ben Gourion de Tel Aviv.
Les ennuis commencent dès la police des frontières : «Où sont nés vos parents ?» «Au Liban.»«Et votre grand-père ?» «Ici.»«Où ici ?»«A Yaffa.»«Attendez sur le côté !» Nouvel officier, nouvel interrogatoire, mêmes questions. Avec un petit préambule sur le fait que tout cela est «pour [sa] propre sécurité». La jeune Palestinienne commence à perdre patience : «Religion ?»«Agnostique !»«Quelle est l'origine de votre nom ?»«Arabe !» Puis c'est la fouille au corps et celle de sa valise, toujours «pour [sa] propre sécurité». Pas un centimètre carré de peau n'échappe au détecteur de métaux et aux gants de chirurgien, même la belle tignasse brune est «fouillée». Pas une affaire qui n'ait été dépliée, ouverte, décortiquée, manipulée. Et au fur et à mesure, l'humiliation prend le dessus sur l'impatience, l'ironie et l'indifférence. Elle emporte tout et laisse Soraya comme nue sur la banquise.
Prison à ciel ouvert. Soraya est une fille de réfugiés palestiniens de 1948. Elle est venue récupérer l'argent de son grand-père, son identité à elle et la dignité de ses aïeux. Durant son séjour, elle rencontre Emad, fils de réfugiés lui aussi, mais qui a grandi dans le camp d'Al-Amari, près de Ramallah, en Cisjordanie. I