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Libération
Critique

L’ennui lui appartient

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Escapade. «El Otro» livre un avocat aux affres de la mélancolie quadra.
publié le 8 octobre 2008 à 6h51
(mis à jour le 8 octobre 2008 à 6h51)

L'autre, El Otro, c'est lui. C'est nous, c'est tout le monde. C'est surtout la petite félûre bien cachée que chacun dissimule de son mieux et qui risque de tout faire péter à n'importe quel moment. El Otro est un délicat et émouvant exercice intime brodé autour d'un homme qui, à 40 ans bien sonnés et alors qu'il aborde un tournant de sa vie, s'évade de lui-même comme un gamin sèche l'école.

Cadavre. Juan (Julio Chávez) est un avocat un peu fatigué, à la voix rauque de gros fumeur et à la calvitie naissante,qui laisse sa vie s'écouler en pente douce. Il a épousé une jolie femme, habite à un bel appartement à Buenos Aires et sa seule contrariété du moment est le fait de devoir porter des lunettes parce que, comme dirait tout bon opticien, à partir d'un certain âge, mon pauvre monsieur, on n'y coupe pas. Il ignore encore, même s'il s'en doute confusément, qu'il se trouve exactement à mi-chemin entre la vie et la mort. Quelque part pile entre l'enfant que porte sa femme et son propre père, vieillard quasi grabataire qui n'attend plus rien d'autre que le soulagement de la mort.

Il finit par en prendre violemment conscience à l’occasion d’un voyage pour affaire en province. Il fait la route en autobus, à côté d’un homme de son âge. A l’arrivée, le type est décédé, paisiblement, dans son sommeil, et c’est comme si Juan découvrait effaré son propre cadavre affalé dans le siège du bus. Alors il tourne les talons et s’enfuit du cours paresseux de son