Le James Gray que l'on rencontre dans le salon d'un grand hôtel parisien ne ressemble plus en rien au garçon débordant de flamme qui, il y a un an, nous accueillait pour We Own the Night (la Nuit nous appartient). Il savourait alors chaque interview comme une victoire, content d'avoir vaincu la «fatwa» qu'avait lancée à son encontre Harvey Weinstein, après que Gray se fut opposé en 2000 au vieux mogul de Miramax sur le final cut de son deuxième film, The Yards. Durant un long temps mort de sept ans, l'ex-jeune prodige (premier film à 25 ans) regarda depuis sa chambre les autres cinéastes de sa génération (Paul Thomas Anderson, Wes Anderson…) grandir, affermir leur style, sans savoir si lui pourrait jamais retourner un jour. Le Gray 2007 était un homme de 38 ans, tout juste gracié, qui revenait aux affaires plus impétueux que jamais, parlant à 200 à l'heure. Le Gray 2008, lui, est crevé. Affalé dans le fond d'un large fauteuil, les jambes étalées, il regarde dans le vague, hésite longuement au moment de se lancer dans des analyses passionnantes qu'il interrompt pourtant vite d'un interrogateur : «Est-ce que ce que je dis à du sens ?»
Perfectionniste dérangé
En cette après-midi pas comme les autres (nous sommes le 4 novembre et toute l'Amérique s'habille pour aller voter), il semble loin de tout, loin de la France, de la promotion du film, du monde («Je préfère ne pas parler de l'élection : si Obama perd, je leur laisse la suite du scénario»).