Face au fazendeiro, le propriétaire terrien brésilien, qui lui reproche d'être venu «squatter» sur son exploitation, Nadio, indien guarani-kaiowa, saisit une poignée de terre, la porte à la bouche, la mâche, l'ingurgite, les yeux dans ceux de l'homme blanc. Sans un mot, il exprime le lien ancestral des Guaranis à la terre-mère, qui dans leur religion est «origine et source de vie». Mais cette bouche pleine de terre révèle aussi la détresse d'un peuple qui n'arrive plus à vivre, à se nourrir… Et cette terre crisse sous les dents du spectateur, qui sent le goût amer de la défaite annoncée. L'amertume empreint le film du réalisateur italo-chilien Marco Bechis, sur et avec les Guaranis-Kaiowas, dans le Mato Grosso brésilien. Une fiction, et non un documentaire, remarquable par ses acteurs, rencontrés puis recrutés par le réalisateur qui les a initiés au cinéma. En six mois, les Indiens ont tout capté et interprètent ici les premiers rôles, tandis que des comédiens professionnels blancs sont relégués à l'arrière-plan.
Suicides. La terre est donc au cœur du film comme de la vie et de la spiritualité des Amérindiens. Le territoire originel des Guaranis, qui étaient près d'un million et demi quand les Européens débarquèrent, s'étendait sur 350 000 km2 de forêt amazonienne. Aujourd'hui, ils ne sont plus au Brésil que quelque 40 000 individus, confinés dans 25 000 hectares. Ils vivent dans des réserves, petites parcelles cernées par des fermes d'élevage