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Libération
Critique

La Turquie sans pitié

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Istanbul. Dans «les Trois Singes», Nuri Bilge Ceylan réinvestit le mélo populaire pour dépeindre une société cruelle et corrompue.
0 (Pyramide Distribution)
publié le 14 janvier 2009 à 6h51
(mis à jour le 14 janvier 2009 à 6h51)

Une route de campagne, au cœur de la nuit. Le choc, le fracas des tôles, la fuite. Les sirènes de police au loin. Rien n'est montré, juste suggéré. «Pour raconter certaines choses, l'image est inutile, le son suffit», aime à rappeler Nuri Bilge Ceylan, évoquant Robert Bresson. Puis un téléphone sonne dans une petite maison de la banlieue d'Istanbul qui se dresse entre le chemin et la mer de Marmara. Politicien en campagne craignant le scandale, le chauffard appelle son chauffeur pour lui demander d'endosser la responsabilité de l'accident contre forte compensation et d'aller en prison à sa place. Le candidat député - impressionnant Ercan Kesal, médecin et coscénariste - entame alors une liaison avec la femme de son dévoué employé (bouleversante Hatice Aslan).

Somptueusement filmé en numérique avec des images longuement retravaillées en postproduction, les Trois Singes est un film envoûtant sur la jalousie, l'arrogance du pouvoir, la violence et surtout le mensonge, ces accommodements qui permettent d'éviter jusqu'au bout d'avoir à affronter la vérité. «Les gens vont au cinéma pour rire ou pleurer : j'ai voulu les prendre à contre-pied pour les obliger à regarder dans le gris de la vie, là où il n'y a ni héros ni victime, mais où chacun est tout à la fois l'un et l'autre», explique Nuri Bilge Ceylan, qui a reçu le prix de la mise en scène à Cannes. Un film implacable, où chacun feint de ne pas voir, de ne pas entendre, de ne pas savoir. Le fils préte