La question que pose le film n’est pas uniquement celle de la mémoire. Celle qui a fait défaut pendant plus de cinquante ans à l’Etat français, jouant désespérément la montre avant de reconnaître les errances funestes de la République pendant que, peu à peu, disparaissaient les rescapés des déportations. L’autre question est celle de la matière qui nourrit la mémoire. De ce que contiennent les livres, les films et les documentaires des soubresauts d’une histoire en perpétuelle écriture, mais aussi, et surtout, de ce qui n’a jamais été dit.
Celle qui détient le secret est une femme (Jeanne Moreau) qui vit ses dernières années. Nous sommes à Paris, en 1987, en plein procès Barbie, et cette grande dame parisienne, collectionneuse distinguée, passe le reste de sa vie à faire les salles de ventes et à éluder les questions de son fils (Hippolyte Girardot), né juste après la guerre. Lui veut savoir ce que, au fond, il sait déjà. Que les parents de sa mère, fourreurs juifs de Russie installés en France depuis 1904, ont fui Paris pour un village du Lot à la promulgation des lois antijuives de Vichy. Qu’ils y ont vécu deux ans dans la clandestinité avant d’être dénoncés, arrêtés et assassinés à Auschwitz. Que leur appartement de Paris a ensuite été la propriété de ses autres grands-parents, catholiques bon teint, à qui il rendait visite tous les dimanches. Il sait surtout que personne n’a plus jamais évoqué cette histoire. Et que lui-même a attendu une bonne quarantaine d’années pour o