Le public américain aime les fables, les films qui commencent par «et si ?» Et si on pouvait voir quelle différence on ferait sur Terre si on décidait de ne pas se suicider ? (La Vie est belle). Et si on pouvait retourner sur Terre dans le corps d'un autre ? (Le Ciel peut attendre). Et, à en juger par les seules recettes américaines (100 millions de dollars quand le film arrive en France), l'idée d'un homme qui vivrait sa vie à l'envers, qui taraude la productrice Kathleen Kennedy depuis dix-huit ans, semblerait aussi valable qu'une autre.
On verrait plus un Spielberg ou un Zemeckis qu'un Fincher pour conter l'Etrange Histoire de Benjamin Button, mais après tout, le temps qui passe était la composante la plus intéressante de Zodiac, si respecté en France.
Bluette. On se demande ce qu'on va lui trouver comme génie sur ce coup-là, vu qu'au-delà de l'impeccable brio technique, l'Etrange Histoire de Benjamin Button est un film de producteurs et de scénariste plus que d'auteur réalisateur. Le personnage clé de l'affaire est Eric Roth, l'estimable scénariste d'Ali, Munich, Révélations et, plus crucial pour ce qui nous occupe, Forrest Gump. La nouvelle de F. Scott Fitzgerald, inspiration du film, était une amusante bluette, qui, pour être rondement menée, ne se prêtait pas forcément à un long-métrage, et Roth avait toute légitimité pour broder dessus. C'est un solide écrivain, sérieux quand il faut, et on