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Libération
Critique

«35 Rhums» pour la route

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Alcool. Claire Denis filme le départ d’une fille et la mélancolie d’un père.
publié le 18 février 2009 à 6h52
(mis à jour le 18 février 2009 à 6h52)

Lionel est conducteur de RER. Il vit avec sa fille Joséphine, qui suit des études supérieures et qu'il élève seul, dans leur appartement du nord de Paris. Ils ont la peau noire, comme beaucoup de leurs voisins, amis, collègues. 35 Rhums est leur histoire, aujourd'hui.

Le titre serait inspiré d'une légende que Claire Denis a peut-être inventée, celle d'un flibustier qui aurait dit : «Le jour où tu prendras ma fille, je me soûlerai.» Joséphine est en effet en âge d'être prise et c'est cette prise de conscience, cet éveil du père, irremplaçable Alex Descas, qui forme tout le petit suspense retenu auquel nous sommes conviés.

Avec 35 Rhums, Claire Denis effectue une sorte d'inversion des perspectives sur elle-même et sur son cinéma. Elle se retourne sur autre chose : le monde est le même, seul l'axe a changé. 35 Rhums, c'est un peu le recto verso, la peau intérieure du cinéma de Claire Denis, l'envers du tumulte, la suspension en sérénité.

Transformation. Deux clans se superposent dans 35 Rhums. Celui du film, petit cercle intime d'une poignée de personnages, et celui de la cinéaste, qui y a réuni quelques-uns des fidèles avec lesquels elle a presque toujours travaillé : Agnès Godard à la caméra, Jean-Pol Fargeau au scénario, Alex Descas et Grégoire Colin dans les rôles principaux. Elle ne les rassemble pas au seul nom de la fidélité : elle enregistre aussi le passage du temps, toutes ces années de travail et d'amitié, su