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portrait

L’art de l’éclipse

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Edith Scob. Révélée il y a  cinquante ans par Franju, l’exquise et troublante comédienne est nominée aux césars dans la catégorie second rôle.
publié le 24 février 2009 à 6h52
(mis à jour le 24 février 2009 à 6h52)

Dans l'Heure d'été d'Olivier Assayas, qui vaut à Edith Scob nomination aux césars 2009, il y a cette scène saisissante où, dans le clair-obscur d'une fin de journée, elle apparaît figée dans un fauteuil. Seule, silencieuse, stoïque. Silhouette fragile ou menaçante, on hésite. Après, elle meurt. L'interrogation, elle, demeure. Fallait-il la protéger ou s'en garder ? C'est tout Edith Scob, ça. La capacité intrinsèque à susciter le trouble, le mystère.

Elle a aujourd'hui 71 ans, mais cette aura est sienne depuis cinquante ans. Depuis les Yeux sans visage de Georges Franju, où elle jouait la fille défigurée d'un médecin qui tue pour lui redonner visage humain. Les grands yeux d'Edith Scob, écarquillés au milieu du masque blanc, c'est l'appel des abysses, c'est l'ancêtre de Scream. Le film est devenu culte, et Scob avec. Après ça, elle a toujours eu des airs de revenante. Fantomatique, diaphane, fantôme étique à voix haut perchée dont la présence relève de l'apparition. Après ça, au cinéma comme au théâtre, Edith Scob a collectionné les rôles de victime, martyre, mystique. Quand soudain, à la fin des années 90, la voilà qui resurgit dans un registre plus ambigu : cliente bourge acide dans Vénus beauté, rédactrice en chef sans scrupule dans la Fidélité de Zulawski, cruelle duchesse de Guermantes du Temps retrouvé de Ruiz. Plutôt éminence grise, désormais. La silhouette toujours de roseau et la coiffe en carré blanc ajoutent une