Le Tulpan de Sergei Dvortsevoy est un pur bloc de steppe à peine dompté par l'écran, dont les limites semblent excédées par la puissance vibratoire des paysages. Le vent qui gerce, la poussière qui brûle et le soleil qui mord distribuent leurs gifles élémentaires à perte de vue et de plans.
Un clan de nomades nous reçoit sous les yourtes, où le jeune berger Asa joue les héros passeurs. Jeune homme exultant, il cherche femme et veut épouser Tulpan. La belle résiste au motif que les oreilles du prétendant sont grandes et décollées. Comme celles du prince de Galles, s’amuse la petite tribu, qui en possède un portrait. Des personnages incongrus tombent des étoiles, dont un chanteur façon discobus et d’innombrables animaux plus ou moins domestiques (moutons, chameaux…).
Les peaux teintées par les particules de terre ocre, les sourires larges et la vie qui s’écoule selon les règles d’une noblesse prosaïque transmettent un inestimable savoir-vivre ensemble. Une grâce mise en bouquet dans cette inoubliable scène-tableau d’un père affalé sur une couche, tandis que sa fillette lui masse les vertèbres avec les pieds et que son fils perce les points noirs sur ses omoplates.
Dvortsevoy développe ici un cinéma tout en reliefs dans un paysage plat comme la main. Il accompagne avec humilité le peuple qui lui a fait l’hospitalité, se laisse contaminer par la griserie ou engage la nature et partage en retour avec nous une histoire simple et délicate. Tulpan donne son nom au film, mais pas