Dans les films d’André Téchiné, comme dans ceux de tout cinéaste qui construit son œuvre entre différence et répétition, il y a bien des obsessions qui transitent à l’identique et, à chaque fois, se renouvellent. Celle de la famille en est une. Famille décomposée-recomposée, famille sur un mode idéal car façonnée par la toute-puissance et le culot du romanesque.
Comme de coutume, cette manigance opère sur le mode d'un quasi-jeu de société («Et si c'était ?») qui délire tous les calculs de probabilité et de vraisemblance. Et si c'était ma mère ? Ce serait Catherine Deneuve (on pourrait rêver pire). Et si c'était ma fille ? Ce serait Emilie Dequenne (j'adopte). Et si c'était le gendre idéal, bientôt tragique ? Nicolas Duvauchelle (je prends !). Comme ça n'existe pas en vrai, une telle mixture enchantée, on lui donne des mots de passe, des prénoms de code : Deneuve, c'est Louise ; Dequenne, c'est Jeanne ; Duvauchelle, c'est Franck. Louise vit avec sa fille Jeanne dans un pavillon d'une banlieue intermédiaire, un intermonde ni riche ni pauvre (lire ci-contre). Louise gagne sa vie en gardant des enfants. Jeanne cherche distraitement un emploi de secrétaire. Franck apprend la lutte gréco-romaine dans un collège sportif. Leurs rapports et leur liaison (Jeanne meets Franck) se nouent lors d'une scène de restaurant. Téchiné est un as pour tourner autour de la table comme on tourne autour du pot, en scrutant les rapports de force, voire les rapports de classe, Franck étant