Il n'y a pas d'anomalie Chaser, mais le fait que ce premier film coréen a intégré l'an passé la compétition cannoise et grillé les étapes intermédiaires pour se retrouver d'emblée dans la cour des grands, total insider dans le premier cercle, en dit plus long sur les mutations en place à Cannes depuis quelques années (qui, comme toute la cinéphilie, semble en avoir fini à tout jamais avec la distinction dévalorisante entre film d'auteur et film de genre), que sur le film lui-même.
Ruptures. On imagine que Na Hong-Jin ne devait d'ailleurs pas en revenir, de cette subite reconnaissance, sinon l'examiner de loin. Car s'il y a bien un charme Chaser, il tient tout entier à sa modestie de solitaire : le film fait exactement comme s'il était seul au monde ; comme si personne, ces dernières années, n'avait tourné de polars. Comme si le genre, abandonné de tous, tombé en déserrance, lui appartenait de droit et qu'il en était le dernier gardien. Ce qui donne un résultat assez étrange, où Na Hong-Jin, partant d'un scénario bancal, mène ses variations, ses ruptures de ton, ses remises en question en ne donnant jamais l'impression de se situer par rapport aux tendances du moment. En bon électron libre, il avance, taille sa route, installe une tension (avec plus ou moins de bonheur : la première partie du film est encore bancale, l'équilibre viendra plus tard), se régule dessus. S'y tient.
Rien, à partir de là, ne saurait le perturber. On pourrait