En 1940, il avait fallu deux heures à John Ford pour raconter la traversée du paysage américain par les Okies des Raisins de la colère. Soixante-dix ans après, il faudra dix-huit minutes de plus à Tariq Teguia pour s'enfoncer plus loin dans le désert d'Algérie, y perdre quelques illusions et, tel un John Ford berbère, transmettre à son tour en film l'expérience d'un homme qui a pris quelques kilomètres d'avance sur sa communauté.
L'homme est révolté, taiseux, solitaire, une espèce de corps politique en l'état, un pendant touareg au grand Henri Fonda. Appelons-le Malek. Malek est sec comme un désert de Hamada. Il est l'expression physique d'une sécheresse, d'un désarroi : l'Algérie qui, en silence, se remet d'une guerre civile vieille de dix ans et qui n'a jamais voulu dire son nom. Celle-là même qui était au centre du premier film de Teguia, Rome plutôt que vous, choc cinéphile du printemps dernier. Souvenez-vous : Kamel, un jeune mec de la fin des années 90, qui avait le chic pour être toujours au mauvais endroit au mauvais moment, finissait par agoniser dans une voiture conduite par sa copine Zina. Son corps le lâchait et il disait «entendre la musique».
Maquis. Inland commence exactement là où Rome s'arrêtait : un plan de désert pris depuis un véhicule roulant à toute vitesse et c'est à notre tour, crétins et éblouis, d'entendre la musique, de sentir physiquement monter les vibrations électroniques toujours aussi émouvantes du A Year i