«Je ne vous connais qu’à travers Hulot. A travers le visage de Hulot, le derrière haut placé de Hulot, la nuque ronde de Hulot. C’est ce Hulot qui doit apparaître dans mon film tel que je me le représente. Naturellement, je vous demanderais une variante. Ce Hulot au lieu d’être un petit-bourgeois, devrait être un grand bourgeois : un industriel de Bonn et, si possible, avec l’ajout de la petite moustache, il devrait ressembler un peu à Hitler. Hulot comme un Hitler doux.»
Qui parle aussi pertinemment et avec autant d'impertinence du personnage vedette inventé par Jacques Tati ? Pier Paolo Pasolini en novembre 1968, alors qu'il tentait par écrit de convaincre Tati de jouer dans un de ses films. Cette lettre est une des bontés exhibées avec délicatesse, émotion et surtout intelligence par l'expo Jacques Tati, deux temps, trois mouvements. Dès le couloir d'entrée, le visiteur est tout de suite «tatinisé». Nous sommes tous des messieurs dames Hulot dans ce corridor de la modernité tout de gris sous-marin où nous guette un tableau de contrôle exporté de Play Time. Comme dans le film, ça ne marche pas bien et même pas du tout. Autant dire que le conseil de Tati mis en premier exergue a intérêt à être suivi : «Ma méthode suppose seulement un peu plus d'attention et d'imagination de la part du spectateur.» De fait, très distrait par la profusion des documents et des accessoires ressuscités, le quidam n'évitera pas forcément de se manger la première