En août 1958, à Hiroshima, avant de tourner sous la direction d'Alain Resnais, Emmanuelle Riva prend des photographies. Longtemps, ces souvenirs sur papier reposent dans une malle, à l'abri des regards. Parce qu'elle en parle, un jour de hasard, à Dominique Noguez qui en parle à Marie-Christine de Navacelle, qui en parle à Chihiro Minato, ses images resurgissent au grand jour… Présentées au Japon (Libération du 21 janvier), elles font aujourd'hui l'objet d'une exposition à la maison de la Culture du Japon, à Paris, et d'un livre publié par Gallimard. Emmanuelle Riva, 82 ans, reçoit chez elle et voyage dans le passé avec la même ferveur qu'elle a mise à saisir une ville en pleine reconstruction.
Quand vous partez rejoindre Alain Resnais à Hiroshima, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Alain Resnais, qui voulait une inconnue, m'avait choisie. A part deux passages dans les Grandes Familles où je jouais la secrétaire de Gabin, c'était mon premier grand film. J'étais assez impressionnée, pas en transes, non, dans une parfaite disponibilité. Je suis partie avec Sylvette Baudrot, la scripte. Après un voyage très lent, nous sommes arrivés à Tokyo sous une chaleur humide qui plaquait les vêtements sur la peau, comme une énorme ventouse. Je me réjouissais de cette rencontre avec une autre vie, avec l'équipe du film. Il y avait aussi le scénario de Duras, ce long poème avec des dialogues directs. Une fois embarqué dans une histoire pareille, on ne songe pas à s'en aller, on est bien dedans. Alain Resnais nous attendait, puis nous sommes partis en train à Hir