Etrange objet que ce Carnet de notes pour une Orestie africaine (1), qui s'offre le double privilège du grand écran et d'une luxueuse édition DVD. Pratiquement inédit jusqu'à la mort de son auteur, en 1975, le «nouveau» Pasolini n'est ni une fiction ni un documentaire, mais des notes pour un film à venir «qui serait l'Orestie d'Eschyle tourné dans l'Afrique d'aujourd'hui», comme l'explique le cinéaste dès les premiers plans. Si le projet ne sera finalement jamais mené à terme, le carnet de notes, dans son apparent éclatement, constitue bien le film en lui-même, abouti dans son inachèvement.
Fantasmes. Pasolini y poursuit l'idée que l'Orestie du Grec Eschyle - trilogie que Pasolini a traduite et montée en 1959 - trouve une résonance dans l'Afrique postcoloniale, déchirée entre tradition et découverte du nouveau monde : comme les Erinyes se métamorphosant en Euménides, l'Afrique noire entre dans l'ère capitaliste.
Obsédé par cette transposition, il part à la recherche de décors et de visages pour incarner les personnages de son Orestie. Tel un moustique, sa caméra se fraye un chemin dans les villages, et le casting peut débuter, mené par la voix du cinéaste : guerrier massaï à l'allure d'un Agamemnon, gardien de bœufs qui pourrait être Pylade et, derrière un voile noir, Clytemnestre, altière. Curieux, inquiets, amusés, les regards se succèdent, en noir et blanc. Comme de coutume, l'objectif du cinéaste se pose toujours quelque