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Libération
Critique

Pas de poésie dans les salles, SVP

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Multiplexes. L’absurdité du rouleau compresseur libéral via l’exemple d’un petit cinéma de Bayonne.
publié le 29 avril 2009 à 6h52

Le génie du libéralisme, c'est de renverser systématiquement toute logique. Ainsi, un cinéma, un journal, un éditeur qui offrent un point de vue différent de celui que la loi du marché pilonne partout ailleurs ne font pas preuve, comme on pourrait le penser, de générosité, mais de mépris et de censure. En effet, explique le libéralisme, en maintenant la possibilité d'autre chose, il dérange les habitudes du public. Et donc, l'empêchant de persister dans son refus de s'intéresser à ce que les autres pensent, il entrave dangereusement sa liberté. C'est l'histoire que raconte No Popcorn on the Floor, documentaire retraçant comment l'Atalante, cinéma indépendant de Bayonne, doit envisager de changer sa programmation, doit arrêter de «faire des propositions» au public, comme le voudrait Ramuntxo Garbisu, son directeur. Parce que ce n'est pas viable économiquement, parce le rapport aux images mouvantes a changé et surtout parce que les films qui prennent la peine de regarder autour d'eux existent de moins en moins, et de moins en moins longtemps.

En cinq ans, apprend-t-on, le nombre de salles susceptibles de programmer les œuvres les moins attendues est passé en France de quarante à quinze. Tant mieux : quand il n'y aura plus de ces films d'auteurs que, dit le libéralisme, personne ne veut voir - mais qui apportent tant à ceux qui les voient -, il n'y aura plus que des usines multiplexes et tous les critiques seront enfin remplacés par des attachés de presse. En atten