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Libération
Critique

Giuah détourné en bourrique

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Cravache. L’étrange histoire d’un enfant devenant la monture d’un autre.
publié le 6 mai 2009 à 6h51
(mis à jour le 6 mai 2009 à 6h51)

Puisque Samira Makhmalbaf use (in dossier de presse) de la métaphore de l'accouchement pour qualifier son métier de cinéaste, on peut lui dire qu'elle a bien «travaillé», mais que son enfant-film est un monstre. Un vrai. Bavant, hurlant, tordu, méchant, anormal. Et partant : dérangeant, hors normes, attachant, touchant. C'est le sujet de cet Enfant cheval, froid et rude.

Dans un village afghan, deux jeunes garçons, tous deux handicapés : le premier est amputé des deux jambes, le second ne maîtrise pas toutes ses fonctions mentales. Mais leurs débilités ne jouent pas à armes égales. Celui qu'on appelle «le maître» est le fils d'un potentat local. L'autre, prénommé Giuah, survit dans l'infrazone qui jouxte le village.

L’apparition de Giuah, pauvre diable surgissant à l’aube d’un capharnaüm de tuyaux de canalisation où grouillent d’autres jeunes miséreux de son espèce, est un saisissement cinématographique de première classe. Pourtant, le contrat aura lieu entre le riche et le pauvre. D’abord sur un mode classique, strictement commercial : l’un a toute sa tête mais pas ses jambes, l’autre a perdu l’esprit mais galope comme un lapin. Pour un dollar par jour, Giuah va devenir la monture du maître. Tope là et fouette cochet, c’est rien de le dire car les coups de pieds et de badine vont bientôt pleuvoir dans les reins et sur le dos de Giuah, apprenti canasson humain que son jeune cavalier entend dompter et ne ménage pas.

Contre-nature trottante.