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Libération
Critique

«Irène» de la nuit

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Guéridon. Alain Cavalier invoque le souvenir de son épouse, morte au début des années 70, et lui adresse une magnifique déclaration d’amour.
publié le 20 mai 2009 à 6h51
(mis à jour le 20 mai 2009 à 6h51)

Alain Cavalier croit à son fantôme. Celui d'Irène Tunc, sa femme, morte dans un accident de voiture en janvier 1972. On savait depuis la Rencontre (1996) que Cavalier est un bel artiste de l'évocation maximum avec un minimum de moyens. Toutes ses productions super et autarciques sont réalisées avec une minicaméra et une absence totale d'équipe technique. Irène à cet égard ne fait qu'ajouter un volume d'écriture supplémentaire à son autobiographie filmée. Sauf que pas seulement. L'évocation est aussi une invocation.

Spirite. Guidé par la relecture de deux journaux intimes des années 1970-1972, Cavalier filme comme un spirite fait tourner le guéridon. D'abord en faisant mine de regarder ailleurs, des objets, des paysages, des morceaux de son corps malade (crise de goutte puis zona carabiné), des détails. Mais cette distraction n'était qu'une diversion. Les fragments se rassemblent, dessinent le crayonné cotonneux d'une cohérence. Ce qu'il voulait dire, ce qu'il voulait montrer, tout en se répétant qu'il faut tout de suite arrêter ce film, trouver une sortie de secours. Jusqu'à foncer dans l'impasse consistant à faire revivre et rejouer Irène en confiant son «rôle» à une comédienne. Il renonce mais, comme un mouvement à la fois panique et obstiné, le filmage continue et lui file entre les doigts, faisant soudain surgir au détour d'un plan ensorcelé la silhouette de la «chère disparue».

Cénotaphe. La sidération est encore plus fo