Chaque film, il le paye de sa chair. C'est pour cela qu'il en fait si peu. Trois, seulement, en près de quinze ans. Intervention divine, déjà en compétition à Cannes (2002), était un adieu au père. Juste avant le début du tournage du Temps qui reste, Elia Suleiman a perdu sa mère. Il a réécrit tout le scénario et son film, qui démarre par les mémoires de son père et finit sur la douleur de sa mère, perdue début 2008. Son dernier opus, qui clôt une trilogie entamée par Chronique d'une disparition, couvre une période allant de 1948 à 2008, d'une nakba à l'autre, d'une catastrophe à l'actuel désastre. Soixante ans d'une Palestine mort-née, d'un non-pays, d'un deuil impossible.
«Mélancolique». Elia Suleiman, lui, a 48 ans et l'air d'un éternel enfant malgré les cheveux blancs qui gagnent du terrain. Dans son film, il se représente enfant puis jeune homme, avant de prendre en charge son propre rôle d'adulte, toujours lesté de la même gravité, toujours aussi taiseux, à la manière d'un Buster Keaton oriental. «Dans Le temps qui reste, je suis plus dans la nudité que le strip-tease. J'ai essayé d'être le plus sincère possible. L'émotion m'a saisi pendant le tournage.»
Il est désormais moins sarcastique, moins dans la provoc et l'épate qu'à la sortie d'Intervention divine, alors au plus fort de la deuxième Intifada. Comme si Suleiman avait accepté la douleur des choses sans se résigner à leur absurdité, leu