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Libération
Critique

Fantôme sweet home en Patagonie

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Zombie. Maison hantée et DV pour le nouveau film du Chilien Raoul Ruiz.
publié le 3 juin 2009 à 6h52
(mis à jour le 3 juin 2009 à 6h52)

Pas de film de Raoul Ruiz sans espaces-temps qui coulissent, récits dans le récit, semblants ni faux ni vrais et spectateurs défenestrés par le miroir d’Alice. Mais cette fois, le Chilien klossowskien (1) y va carrément, avec un manoir hanté, des mortes au bord de fontaines alanguies et même Laurent Malet trempant son index dans une cervelle de zombie pour voir si c’est bon, en plus d’être jolie sur l’assiette où elle tremble comme un bloc de jelly. Bref, un sujet de thèse arraché aux cimetières de la pensée : «Cinéma des fantômes, fantôme du cinéma.»

Bizarrement, malgré son titre, la Maison Nucingen n’est pas une adaptation du roman de Balzac. Plutôt un conte de Poe, un truc goth hautement distordu et distancié. C’est filmé en DV avec une musique éraillée à la main, comme si on avait collé une bande-son des années 40 sur l’archéologie de notre présent numérique. Chose remarquable en effet, les hautes lumières bavent, effacent le visage déjà blafard de Zylberstein, un peu comme dans une vidéo périmée. Quant à la musique, quoiqu’en réalité fraîchement composée pour le film, elle sonne bien patinée. Avec ce double travail de noising du son et de l’image, on obtient l’habit rêvé d’une cérémonie secrète, et seulement l’habit, d’ailleurs, puisque quand on lui retire son voile, le spectre du récit disparaît tout à fait.

Emigré en France en 1973, Ruiz n’a recommencé à tourner au Chili que depuis 2004. La Maison Nucingen a donc droit au curieux titre de «premier film français tourné a