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Libération
Critique

«La Fenêtre» et le néant

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Soupirail. Son et lumière de l’Argentin Carlos Sorin sur les derniers instants d’un vieil homme.
publié le 3 juin 2009 à 6h52
(mis à jour le 3 juin 2009 à 6h52)

Anton Tchekov est parti à 44 ans à Badenweiler, en Allemagne, pour se faire soigner d'une tuberculose qui le rongeait depuis deux décennies. Impossible de le guérir. Au médecin, l'écrivain a simplement dit : «Je meurs» et a refusé qu'on lui porte de l'oxygène. Une coupe de champagne, plutôt. «Cela fait longtemps que je n'ai plus bu de champagne», a-t-il dit avant de s'éteindre.

C’est aussi ce que pense Antonio, 80 ans, quand il sort un millésime de sa cave. Allongé sur son lit avec une intraveineuse pour perpétuelle compagnie, le vieil homme attend son fils. Ils ne se parlent plus depuis longtemps. Devenu pianiste concertiste en Europe, Pablo doit arriver dans la journée dans l’hacienda de son père, dans le nord de la Patagonie. Un paysage où il y a peu d’âmes qui vivent. Le silence demeure, seul résonne le vent dans les brassées d’herbes à perte de vue.

Gazouillis. Dans la maison, les deux bonnes s'activent. Il faut lever Antonio, lui préparer un petit déjeuner («Rien de diététique, j'espère ?» s'inquiète-t-il), le raser. Assis face à la fenêtre de sa chambre, il parle du rêve qu'il a fait, alors que la lame glisse sur ses joues, celles d'une chair qui n'a jamais oublié de bien vivre. «Un drôle de rêve.» Un cauchemar ? demande la domestique. Non, «un rêve magnifique».

Quelques instants plus tôt, le film s’ouvrait avec les yeux embués de sommeil. Les gazouillis laissaient deviner la vision d’un bambin. La mélodie d’u